La génétique au secours de la truffe du Périgord

  

Produit de ma truffière du Périgord/ Thierry Bourgeon.

Produit de ma truffière du Périgord/ Thierry Bourgeon.

  En matière de gastronomie, la génétique ne rime pas nécessairement avec OGM. Et quand elle vole au secours de la truffe, elle ne cherche pas à produire des diamants noirs artificiels, mais bien plutôt à la protéger de l’invasion chinoise et à améliorer sa vie sexuelle.

    A tout seigneur, tout honneur: la truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum), qui coûte en moyenne 500 euros/kg, est le premier champignon comestible dont le génome a été décrypté, en mars dernier.

    Le séquençage de la truffe a notamment permis d’identifier dans son ADN des marqueurs génétiques distinguant différentes espèces de truffes, « voire différentes souches au sein d’une même espèce », explique Francis Martin, chercheur au centre de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nancy.

    « C’est exactement les mêmes procédures que les collègues de la police scientifique utilisent avec l’ADN sur les empreintes génétiques humaines », précise M. Martin, dont l’équipe a travaillé durant cinq ans au séquençage.

    Il ne s’agit pas là de confondre un criminel, encore que… de par son coût, sa rareté et ses qualités, la truffe du Périgord est un produit particulièrement prisé des fraudeurs. La tentation peut être grande de faire passer pour la truffe noire une de ses cousines, chinoise celle-là (Tuber indicum) et coûtant seulement 30 euros/kg, qui lui ressemble en tout point sauf en termes d’arôme.

    Outre la fraude, qui reste marginale, la filière s’inquiète surtout de l’invasion possible de cette truffe de Chine directement dans les truffières, qui aurait des conséquences, gastronomiques et économiques, beaucoup plus graves.

    « Cette truffe de Chine est extrêmement compétitive et a une grande capacité à coloniser de jeunes plants. On a déjà détecté en Italie, dans la région de Turin, certaines pépinières contaminées », souligne Francis Martin.

    Selon le spécialiste, ces contaminations ne sont pas forcément volontaires et peuvent aisément résulter d’une maladresse, les deux espèces de truffe se ressemblant fortement.

    D’où l’idée de développer un « kit de diagnostic » destiné aux professionnels, pépiniéristes comme trufficulteurs. 80% de la production de truffes en France, en Italie ou en Espagne provient aujourd’hui de la production de jeunes plants, « inoculés » selon une méthode d’ailleurs mise au point par l’Inra dans les années 70.

    Elle consiste à associer la truffe à un arbre (chêne, noisetier, etc.), en écrasant quelques truffes puis en trempant les racines dans cette purée. Les jeunes arbres sont ensuite maintenus en serre pendant deux ans avant d’être vendus pour être plantés.

    Grâce au kit élaboré par l’Inra et ses partenaires italiens, tout juste breveté, les plants qui sortiront des pépinières seront donc assurés d’être porteurs de la bonne variété de truffe.

    Mieux encore, ce kit permettra aussi de détecter le sexe des truffes présentes sur les racines de l’arbre! Car comme la plupart des organismes, « le champignon a une sexualité qui aboutit à la formation des truffes, fruit de cet accouplement souterrain entre le mycélium (équivalent des racines chez le champignon) mâle et femelle », explique M. Martin.

    Or les scientifiques se sont aperçus que, pour des raisons encore mal connues, l’un des deux sexes finissait par prédominer dans les truffières au bout d’un an ou deux. Faute de partenaire adéquat, pas d’accouplement, et donc pas de truffe…

    « Pratiquement la moitié des truffières n’aboutissent jamais, on a un taux d’échec très important », de l’ordre de 50% même si l’accouplement n’est pas le seul facteur à l’oeuvre, relève Francis Martin.

Laurent BANGUET-AFP.