Emmental, Tomme et Raclette de Savoie et de nulle part ailleurs

 

Décaillage-de-la-Tomme-à-Vorzier

Décaillage de la Tomme de Savoie à Vorzier – ©Photo Gérard Conreur 2016

La Savoie est un pays de fromages et quels fromages ! Ils méritent l’appellation IGP  (Indication Géographique Protégée) qu’ils arborent pour certains d’entre eux depuis vingt ans, d’autres sont sur le point d’obtenir le prestigieux label jaune et bleu. Cette IGP c’est l’assurance d’un savoir-faire rigoureux mais aussi d’un cahier des charges particulièrement précis. Retour sur les terres  de l’ Emmental de Savoie, de la Tomme de Savoie et enfin de la Raclette de Savoie si réconfortante entre amis lorsque dehors la neige tombe à flocons épais et que dans la cheminée une bûche crépite.

Logo IGP

Label IGP

Ces fromages ne sont pas que des spécialités de « sports d’hiver », loin de là. Ils ont leur place toute l’année sur les meilleurs tables, hiver comme été, accompagnés du meilleur pain et du meilleur vin et constituent un bonheur à la Française que le monde entier nous envie. Il faut les défendre car ils sont indispensables et parfois menacés :  il s’agit de fromages au lait cru. Goûtez-moi ce petit cube d’Emmental à l’apéritif avec ce vin blanc frais chatoyant qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes et vous m’en direz des nouvelles. Idem lorsque la Tomme de Savoie rencontre une belle tranche de pain de campagne. Ce n’est pas ici une question de goût mais plutôt de bon goût.

Mais avant de déguster ces fromages encore faut-il les fabriquer.  Ce verbe à l’accent mécanique ne semble pas convenir. On fabrique une automobile ou une machine à laver mais on bâtit une maison en levant des murs, en dressant la charpente et combien de gestes ont été nécessaires au fil du temps pour voir lever le pain, se bonifier le vin et le fromage s’affiner ?

 

Traite quotidienne des vaches à Chavanod

Traite quotidienne des vaches à Chavanod © Gérard Conreur 2016

A priori le fromage naît d’une succession d’étapes simples que l’on peut résumer à présure ou emprésurage qui suit la maturation du lait, décaillage où découpe du caillé en grains plus ou moins gros, brassage et moulage.  Suivront le pressage, l’égouttage, le salage et bien sûr l’affinage. Un affinage « long » pour l’Emmental de Savoie : 75 jours minimum pouvait aller jusqu’à 100 voire 120 jours. L’oeil du fromager est omniprésent et lui seul décide de l’instant précis où il faut passer à l’étape suivante car cela varie selon les saisons par exemple, le temps qu’il fait, l’hygrométrie, etc. L’oeil mais aussi la main plongée dans la matière jusqu’au bras. Le caillé doit former un grain doux et soyeux de la taille d’un grain de blé lors de l’élaboration de l’Emmental notamment. Disons le aussi, le geste est physique et précis, il faut aller vite lorsqu’on retourne le caillé dans les faisselles pour la tomme, la doyenne de nos trois fromages, ou la raclette et pour l’emmental de Savoie, le plus gros fromage français, dont les meules finales avoisineront les 75 à 80 kilos, le gradage qui consiste à faire résonner la meule en la frappant  avant d’y effectuer un carottage de contrôle, se fait en manipulant directement la meule imposante.

Emmental

Emmental de Savoie © Gérard Conreur 2016

Etapes simples donc, mais a priori seulement car en réalité, c’est un peu plus compliqué. A commencer par la matière première : le lait issu d’une traite quotidienne. C’est le lait qui fait le fromage mais c’est la vache qui fait le lait. Selon la race de vache, Abondance, Tarine ou Montbéliarde, le climat dans lequel elle évolue et parfois même le micro climat, l’altitude mais aussi ce qu’elle broute :  l’herbe fraiche, les petites fleurs des champs que parfument  la gentiane, le génépi  et autres flores locales et le foin à volonté l’hiver venu, fera au final un lait de montagne caractéristique qui ne ressemblera pas à ce que l’on trouve dans les plaines du Nord, en Alsace, ou en Normandie.

emmental2

Gradage de l’Emmental en vue de l’habillage final © Gérard Conreur 2016

Les fromages de Savoie, avec ce lait si particulier, c’est un peu comme le vin, cela ne peut se faire que dans un périmètre précis. En Savoie et nulle part ailleurs et ce n’est pas simplement une question de région, de cépages ou d’ensoleillement, c’est une question de pentes, d’orientations et de la nature complexe du sol où la vigne ira puiser toute son identité et qui résume toute la notion de terroir.  Il en est de même pour les fromages de Savoie. Et ça, la mondialisation n’y changera rien.  La mention de l’IGP est une assurance de qualité. La lecture de l’étiquette est la première chose à faire avant l’achat, c’est une garantie. Ajoutons pour terminer que les produits doivent être francs, sans additifs, sans OGM, sans colorant.  Méfiance pour tous les fromages fumés, aromatisés ou épicés. La véritable Raclette de Savoie doit toujours être proposée nature.

raclette

Différentes phases de la préparation de la raclette de Savoie à la Coopérative Fruitière du Val d’Arly © gérard Conreur 2016

 

Un tunnel des saveurs : Les Caves d’affinage de Savoie à Rognaix

tunnel-de-rognaix

Tunnel de Rognaix des Caves d’Affinage de Savoie et en vignette la vallée de Rognaix vue par Google Earth © Gérard Conreur 2016 et © Google Earth

Tunnel-de-rognaix-2

On connaissait « La montagne magique » de Thomas Mann, voici désormais le Tunnel magique. Un tunnel qui n’en finit plus. Impressionnant. Ici le temps s’est arrêté. Il est creusé dans la montagne à Rognaix en Savoie dans la Tarentaise et c’est là que les Caves d’affinage de Savoie ont élu domicile. Le tunnel d’une soixantaine de mètres de long donne accès à une pièce de 250 m2.

Ici la température (11 à 12°C) et l’hygrométrie (proche de 98%) sont constantes et c’est une véritable nursery où les fromages de toutes sortes, les plus célèbres mais les plus rares aussi, prennent le temps de se faire désirer pour notre plus grand plaisir. Rencontre avec le maître des lieux, artisan affineur , un jeune ingénieur en agriculture, Eric Mainbourg, qui nous en dit plus au micro de Gérard Conreur :

 

Eric Mainbourg

 

tunnel2

A gauche : Eric Mainbourg, artisan affineur. A droite : Evelyne Blanc, journaliste et passionnée d’histoire © Gérard Conreur 2016

 

 

 

Evidemment, l’homme n’a pas creusé la montagne pour y affiner les fromages. Ce tunnel comme d’autres dans la région, c’est toute une histoire qui remonte au milieu du XXème siècle et que nous raconte Evelyne Blanc, guide conférencière, passionnée d’histoire et correspondante du Dauphiné et de Tarentaise Hebdo  :

 

 

Evelyne Blanc

 

 

Qui dit fromage dit lait. Un lait de vache parfois montré du doigt, en particulier le lactose, par certains magazines très tendance. Si le lait de vache était remplacé au quotidien par un lait d’amande ou de soja, il serait en fait remplacé par un …jus de fruits préparé industriellement à base d’eau, souvent onéreux,  mais cinq à six fois moins riche en calcium, ce qui pourrait provoquer des carences chez de jeunes enfants. Assurez-vous auprès d’un professionnel de santé, votre médecin de famille, d’une intolérance plus souvent supposée que réelle. Les fromages de Savoie, l’Emmental par exemple, est riche en calcium et concentre 8 fois le calcium du lait. Riche aussi en protéines  : 100 g d’Emmental de Savoie apportent autant de protéines que 4 œufs, riche en vitamines A, D, B2 et E mais peu salé : 0,3 g pour 100 g. En effet, l’Emmental de Savoie présente le taux de sel le plus faible par rapport à d’autres emmentals, en raison des spécificités de son terroir et de son long affinage. Ajoutons enfin que 100 g d’Emmental de Savoie fournissent environ 377 kcal.

 

Lieux visités et adresses à retenir

Fabrication fermière de la Tomme de Savoie IGP : GAEC de Vorzier

Fabrication et Affinage de l’Emmental de Savoie IGP : Société Laitière des Hauts de Savoie à Eteaux

Fabrication de Tomme et de Raclette de Savoie : Coopérative Fruitière de Val d’Arly à Flumet

Affinage de Tomme, de Raclette (et d’une soixantaine d’autres fromages) :   Les caves d’Affinage de Savoie à Rognaix via Facebook

Bonnes adresses :  Chalet de la Pricaz , L’esquisse , l’Enoteca de la Java , Les Chineurs. Sans oublier Pierre Gay, fromager affineur à Annecy, Meilleur Ouvrier de France.

 

Grand merci  à Virginia et Faustine.

Gérard Conreur – La radio du goût/mai 2016

Annecy

La ville d’Annecy © Gérard Conreur 2016