Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire.

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Loin de ses pianos magiques, je suis dans sa petite cuisine à lui. C’est son labo d’artisan où la tomette, le bois et la pierre l’emportent sur l’inox étincelant. C’est là que depuis des années ce chef scintillant et si bien noté a conçu avec quelques fidèles ses plus belles réalisations culinaires. C’est là que s’est alumée sa plus rare étoile, la troisième.. Depuis des années j’aime son intelligence du coeur et des herbes folles, sa culture ancestrale du bon, son respect inné pour la nature, ses déraisons aromatiques et géniales.

Ce jour là, comme au cirque, ce magicien disparait soudain dans une épaisse fumée. Un nuage blanc échapé de sa marmite l’enveloppe

« C’est merveilleux » lance-t-il, quand, sorti de son brouillard, il apparaît brandissant une longue nouille verte au bout d’une pince en bois. « Regarde un peu ce qu’on peut faire avec de l’azote liquide ».

Je tombe des nues. Où sont passées ses promesses de recettes goûteuses. Quoi, lui ma référence gastronomique, qui joue au petit chimiste?

« C’est génial. Essaie, toi aussi ». Et le voilà qui m’invite à mettre dans une seringue une sorte de purée verte qui injectée dans un tuyau plastic donnera, après cuisson au froid, un plat de nouilles virtuelles aux petits pois! Depuis, il a tourné la page de la cuisine moléculaire pour s’engager dans une approche purement bio.

Additifs: demandez l’addition!

Il a bien fait si j’en crois le livre de Jörg Zipprick sur les dessous peu appétissants de cette cuisin-E (Edulcorants) qui a la fâcheuse tendance à mettre trop d’additifs chimiques dans nos assiettes.

Psychose injustifiée ou vraies raisons de s’inquiéter? La réponse de ce journaliste gastronomique est formelle: c’est de l’arnaque et c’est dangereux si les produits ultilisés sont mal dosés.

Or on découvre que les règles qui s’imposent à l’industrie agro alimentaire n’existent pas dans certaines grandes cuisines. Jörg Zipprick s’en prend notamment au Chef espagnol Ferran Adrià en l’accusant d’empoisonner ses clients avec des produits chimiques qu’il propose également à la vente sous sa marque.

Il y a dans cet ouvrage un côté procès en sorcellerie qui me dérange, mais sur le fond il a le mérite de remettre sérieusement le couvert sur cette cuisine dite de l’avant-garde gastro qui a tout l’air dêtre, avant tout, la vitrine de l’industrie chimico-alimentaire.

Au delà des faits, cet ouvrage nous interpelle. La texture ne l’emporte-t-elle pas sur le goût? Le m’as-tu vu sur le m’as-tu aimé? Ce blig-bling en cuisine ne va-t-il pas trop loin?

Au quotidien le consommateur, confronté à la nécessité de se nourrir, exige de manger mieux et à moindre coût. L’industrie doit répondre en préservant les textures, les saveurs, la santé, en prolongeant les durées de conservation et tout cela à moindre coût.

Certes, mais faut-t-il imposer au restaurant le débat sur la chimie alimentaire pour le gastronome, qui recherche l’occasion d’un plaisir du manger, qui exige du frais, du vrai et qui est prêt à payer pour cela?

Thierry Bourgeon. La Radio du Goût. Novembre 2009.

Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire

Editeur Favre (www.editionsfavre.com)

Auteur:  Jörg Zipprick

Parution: Octobre 2009/ Prix:  13€/223 pages / ISBN: 978-2-8289-1105-8

2 Responses

  1. tbourgeon dit :

    Merci Monsieur Jung,
    Je vous sais excellent chef.
    Je pense effectivement que se livre nous invite à une très sérieuse réflexion sur certaines évolutions de notre cuisine.
    La modernité est une bonne chose. Elle doit être raisonnée. La cuisine est chimie mais attention aux apprentîts sorciers!
    Thierry Bourgeon. La radio du Goût

  2. eric jung dit :

    Finement analysé Monsieur Bourgeon….Pourvu qu’à l’avenir les effets de manche et les coûts ne l’emportent pas sur les goûts!…

    A lire et à faire lire de toute urgence.A bientôt.