POULPE, CALMAR, SEICHE

On réunit sous le nom de céphalopodes (littéralement les pieds à la tête) ces trois variétés de bêtes à tentacules qui ont nourri nombre de légendes et de films d’horreur, mais également les amateurs de cuisine du monde entier, car ces bestioles sont présentes dans toutes les mers du globe. On en trouve de toutes les dimensions, du minuscule poulpe gros comme l’ongle au calmar géant, qui peut dépasser les 15 mètres de long, et qui sert de repas aux cachalots.

La dégustation d’animaux à tentacules ne fait partie que depuis peu des traditions culinaires françaises, et l’apparition des calmars sur les étals des poissonniers coïncide avec le retour des pieds-noirs d’Algérie. En effet, tout autour de la Méditerranée, que ce soit en Espagne, en Italie, en Grèce et ailleurs, seiches poulpes et calmars sont très appréciés, et le mot est faible.

On a encore tendance chez nous à confondre les trois (oui, des photos, mais après les vacances, désolé). Le plus facile à reconnaître est le poulpe, c’est à dire la pieuvre. Tout le monde connait sa grosse tête arrondie et ses longues tentacules. Son corps est grisâtre, et devient d’un superbe rouge à la cuisson. Le calmar et la seiche ont en commun d’avoir un corps fuselé et des tentacules plus petites que le corps. On les reconnait cependant facilement : sans rentrer dans les détails, le calmar, que l’on appelle également encornet quand il est petit, a la peau rosâtre, la seiche a la peau blanchâtre avec des raies noires. La seiche possède également un os que tout le monde a déjà vu dans les cages à oiseaux, alors que le calmar en est dépourvu.

NETTOYER SEICHES ET CALMARS

Tout d’abord, pourquoi nettoyer ces bestioles répugnantes alors qu’on les trouve congelées, toutes découpées, et qu’on trouve le blanc de seiche frais déjà nettoyé ? C’est très simple : les surgelés nettoyés n’ont aucun goût car ils ont dû tremper dans des tas de bains pour les nettoyer et leur enlever la peau. Ensuite le blanc de seiche frais est cher, et on ne sait jamais de quand il date. Il est préférable d’acheter la seiche entière, on est au moins sûr de sa fraîcheur à son aspect. On trouve également des lanières d’énormes seiches du Pacifique, qui ont une section carrée de 2 à 3 cm. J’ai entendu un poissonnier un jour dire « ah si vous saviez ce que c’est » avec une moue dégoûtée. C’est idiot, mais je n’ai jamais eu ensuite le courage d’en acheter.

Il est à noter également qu’il est fréquent de trouver des seiches, calmars ou poulpes entiers, non vidés, mais décongelés. C’est le cas généralement pour les petits encornets, qui font une quinzaine de cm de long. Demandez donc avant d’acheter. Regardez également l’état de la peau des bestioles. La peau doit être entière, et non à moitié déchiquetée, ou à moitié enlevée. Evitez également les étalages ou ces pauvres bêtes baignent dans un jus peu ragoûtant.

Enfin, quand vient la saison des casserons (c’est comme cela qu’on appelle de toutes petites seiches d’une dizaine de cm de long, délicieuses à l’encre avec du riz) qui survient au début de l’été, faites attention à l’arnaque classique des seiches pleines de sable, où vous payez le sable au prix du kg de seiche. Il est d’ailleurs très dificile d’ôter totalement le sable des tentacules des seiches, et quand il y en a, il est malheureusement plus simple de jeter ces tentacules. Si quelqu’un a un truc là-dessus, ce serait gentil de me le donner.

Passées les présentations, le plus fastidieux reste à faire : nettoyer l’animal. Il existe deux possibilités. Si on veut garder le chapeau entier, pour le farcir ou pour le découper en rondelles, il faut commencer par tirer sur les tentacules en tenant le chapeau de l’autre main. On va arracher du même coup les viscères contenus à l’intérieur. Vérifiez qu’il ne reste rien et au besoin finissez avec une petite cuillère. Coupez ensuite les tentacules en dessous des yeux, puis enlevez le bec corné au milieu des tentacules. Gardez les tentacules et le chapeau, jetez le reste. En Asie on mange aussi les oeufs de calmars, sautés avec du basilic. Ce n’est certainement pas mauvais, mais je n’ai jamais essayé.

Deuxième méthode, la plus simple : ouvrez le chapeau sur toute sa longueur avec un couteau bien affuté, sortez les viscères, puis coupez les tentacules en-dessous des yeux et ôtez le bec.

On découpe généralement ensuite le corps en lanières (ou en carrés pour les asiatiques) et on divise les tentacules si elles sont trop grosses.

NETTOYER LE POULPE

On nettoie le poulpe de la même manière que la méthode 2 des calmars et seiches. Certains jettent la tête du poulpe (en Espagne par exemple, on ne mange que les tentacules). C’est une erreur, la tête est très bonne.

QUE FAIRE DE LA PEAU ?

Pour la seiche on l’enlève quoi qu’il arrive. Pour le calmar, on peut la garder si le calmar est petit, on l’enlève s’il est plus gros. Pour le poulpe on peut l’enlever, mais c’est dommage car elle donne sa superbe couleur rouge au poulpe cuit. Et en plus c’est fastidieux, alors laissez tomber.

LA CUISSON DES CALMARS ET DES SEICHES

Oubliez les calmars à la romaine surgelés, qui sont aussi tendres que des joints d’étanchéité recouverts de pâte à beignet. Il faut mettre beaucoup de mauvaise volonté pour faire de la seiche ou du calmar immangeable. Il est toutefois préférable que le nombre des personnes qui sont au courant de cet état de fait ne soient pas trop important, sinon le prix de ces céphalopodes atteindra rapidement des prix astronomiques.

IL existe en fait deux méthodes de cuisson. La méthode asiatique est la plus simple et la plus rapide. Elle consiste à plonger simplement seiches et calmars 30s dans l’eau bouillante ou dans un bouillon de poisson ou de légumes: ils sont cuits. On peut également les faire sauter 2 ou 3 mn au wok, avec des pâtes ou des légumes. Pour ce type d’utilisation, il convient de faire subir un traitement particulier aux seiches et calmars. Il faut avec un couteau entailler le chapeau à mi-profondeur et dessiner des traits parallèles tous les cm. On tourne ensuite le chapeau à 45° et on recommence, de façon à dessiner des losanges. On découpe ensuite les chapeaux en carrés.Cette découpe permet de mieux répartir la cuisson, empêche que le calmar s’enroule sur lui-même, et enfin dessine de jolis motifs sur la chair.

La cuisson à l’occidentale est plus longue. On les fait cuire généralement de 20 à 40mn, mais on peut réduire la cuisson s’il s’agit de petits sujets. Suivez minutieusement les conseils de cuisson (voir les recettes sur cuisine pied-noir et sur le livre) vous aurez à coup sûr une chair tendre à souhait.

LA CUISSON DES POULPES

Le poulpe traîne une fâcheuse réputation de bestiole caoutchouteuse. Et effectivement cela peut arriver, si on ne le fait pas cuire correctement. Le cérémonial barbare qui consiste à battre le poulpe pour l’attendrir ne participe pas non plus d’une approche tout public de sa préparation. Là encore, moins il y aura de gens au courant, plus longtemps on pourra encore en manger à des tarifs raisonnables.

Je m’arrête un instant pour répondre à quelques remarques de lecteurs insinuant que je n’ai jamais fait cuire de poulpe de ma vie, et que je raconte ici ce que j’ai lu dans les livres. Certains croient en effet être détenteur de la vérité sur la façon de faire cuire le poulpe, et que toute autre manière aboutit à un résultat immangeable.

Je précise donc que – comme pour le calmar et la seiche – , je cuisine régulièrement du poulpe car j’adore ça, et que personne parmi ma famille ou mes amis n’a songé à s’en plaindre jusque là. Par conséquent les indications que je vous donne ci-dessous ont été maintes fois vérifiées.

Cependant, il y a poulpe et poulpe. En fonction de la taille des bestioles, et du fait que vous les ayez battues ou congelées avant ou non, le temps de cuisson peut s’allonger considérablement. Il est préférable de congeler le poulpe pendant 24h, au moins pour les gros spécimens, de façon à attendrir la chair. Je disais préalablement qu’il faut 1h30 à 2h au court-bouillon pour faire cuire un poulpe, (peut-être moins mais là au moins on est sûr qu’il est tendre) je parlais en l’occurrence des poulpes de Gallice que me fournit mon poissonnier, et dont les tentacules seules font un peu plus de 2kg. Prenez un poulpe comme celui-là, sans le battre ni le congeler, faites-le cuire 1h30 à 2h, et je vous garantis qu’il sera parfaitement tendre ! Quoi qu’on en dise, je peux vous le garantir car c’est comme cela que je le prépare. Il est vrai que des poulpes de 500g mettent beaucoup moins de temps à cuire, le diamètre des tentacules étant beaucoup plus fin. Pour des
petits poulpes, 20 à 30mn peuvent
être suffisantes. Dans le doute, il suffit de transpercer une des tentacules avec une fourchette pour le savoir. Elle ne doit pas rencontrer de résistance. Mais quoi qu’il arrive, le poulpe une fois cuit ne se remettra pas à durcir si vous le laissez plus longtemps, il n’y a donc pas d’urgence à l’éteindre. Simplement, il est inutile de le faire cuire plus longtemps que nécessaire.

Si c’est encore trop ferme attendez plus longtemps. Et c’est tout. si vous suivez cette méthode, vous êtes sûr à 100% de manger un poulpe tendre (voir recette poulpe à la gallicienne). On peut également le faire cuire en papillotte, au four. Je reviendrai sur cette pratique à la rentrée.

Faute de congeler le poulpe, on peut le battre avec un objet contondant du type maillet, en prenant soin de bien écraser les fibres. Mettez un linge propre (mais pas un torchon neuf non plus) sur le poulpe avant la boucherie, sinon vous allez éclabousser tout le voisinage. Et attention à vos doigts !

les recettes méditerranéennes de Christophe Certain> voir le site