Haute-Marne : vous avez dit Tradition ? (II)

Seconde et dernière étape de notre découverte de la Haute Marne. Bien sûr, nous reviendrons car ce département en vaut bien le détour. Même en train Corail qui soulignons-le, va dix fois moins vite qu’un Airbus A380, ce qui permet au voyageur avide de bien détailler un paysage bouleversant de monotonie. Après les couteaux de Nogent, Syracuse et Kairouan du grand Bernard Dimey, le régional de l’étape ou plutôt l’enfant de pays, nous allons évoquer et reprendre en chœur un mot qui a bien du mal à se frayer un chemin dans notre monde actuel où la plupart des objets n’ont plus d’âme puisque tout se jette dans les fosses abyssales de l’obsolescence programmée. Je n’arrive pas à croire que l’intelligence humaine ose concevoir des biens manufacturés dont on attend avec avidité de pouvoir les jeter à la poubelle afin d’en consommer d’autres toujours plus sophistiqués et ainsi de suite… Mais laissons cela.

Le mot dont il est question est celui de Tradition. Définition du Larousse : Tradition, nom féminin, du latin traditio, action de transmettre. Principaux synonymes : coutume, pratique, rite, usage. Refermons notre Larousse car à première vue, force est de constater que notre époque digère mal ce mot au point d’en faire des remontées acides. Elle ne le comprend plus. Paradoxe pour une époque qui prône la transmission de l’information à tout va, possiblement en quantité mais bien plus passablement en qualité.

Ici en Haute Marne, entre Coiffy, Fayl-Billot et Isômes, la tradition est le dénominateur commun de trois démarches sans lien les unes avec les autres. Et pourtant, c’est une tendance qui se généralise bien au-delà de cette région. Focus sur trois coups de cœur sur lesquels il convient de s’arrêter.

Fayl-Billot et le pays Vannerie-Amance en Haute-Marne. Depuis plus de trois siècles, on y coupe, noue, lie, tresse et tisse l’osier. Un osier blanc, brut ou vert produit et récolté sur place. C’est ici que se trouve la Maison de la Vannerie qui expose de véritables chefs d’œuvre ; tout ce que l’on peut faire avec un brin d’osier mais surtout avec un solide et savant savoir faire qui ne s’improvise pas.

vannier au travail ©Gérard Conreur/laradiodugout.fr

vannier au travail ©Gérard Conreur/laradiodugout.fr

Le travail est beaucoup plus physique qu’il n’y paraît car la matière ne se laisse pas faire. Il faut des doigts d’acier et une grande patience pour conduire le brin centimètre par centimètre à dessiner des volumes à l’esthétique et à la solidité incomparables. Aujourd’hui, une quarantaine de professionnels sur la région de Fayl-Billot vit de la vannerie, à noter un seul rotinier. Les premiers vanniers apparaissent sur les registres communaux dès 1688. Dès le XVIII° siècle, l’osier couvre à Bussières-les-Belmont, des terres qui se révèlent adaptées à sa culture. L’activité prend un essor spectaculaire au XIX° siècle. En 1905, 1800 vanniers vivent de cette spécialité. Les oseraies envahissent la vallée du Saulon, du Fayl, de la Resaigne et de l’Amance. L’osier produit des brins avec des qualités de souplesse et d’élasticité, variables selon son usage. Une oseraie atteint son meilleur rendement à 5 ans et produit en moyenne pendant 20 ans.

L’arrivée de la matière plastique dans les années soixante et la concurrence étrangère ont obligé les vanniers à s’orienter vers la fabrication d’articles design et contemporains, la réalisation de plantations d’osier vivant et de décors d’osier autoclavé. En France, quelques deux cents vanniers sont recensés avec deux pôles, l’un en Touraine à Villaines-les-Rochers, l’autre en Haute-Marne. Ici se trouve le centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole – Ecole Nationale d’Osiériculture de Vannerie. Il faut des années pour maitriser le métier. Dernier point pour conclure : ne mégotez pas lorsque vous choisissez un article en osier. Optez de préférence pour une fabrication française de qualité et il faut y mettre le prix, il n’y a pas de miracle mais c’est très écolo, 100% naturel et recyclable, inimitable et en plus ça dure des siècles.

La responsable de la Maison de la Vannerie au micro de Gérard Conreur

Vins des Coteaux de Coiffy, vins de fleurs et Hypocras et douceurs des Cassis d’Alice à Isômes…

La Haute-Marne est un pays discret de bonheurs secrets. Souvenez-vous de cette truffe de Bourgogne et de Champagne , la Tuber Uncinatum, ce diamant gris qui fait le bonheur du chef Jean Genevois et de ses deux chiens truffiers, dans les bois du côté de Chaumont. Nous avions suivi Jean en cuisine.

Dans ce même reportage, l’or rouge de Guy Camus, le safran, était lui-aussi à l’honneur. Si un orpailleur fait rarement fortune en rinçant des tonnes de cailloux, il en faut de la patience pour récolter les fragiles pistils du crocus sativus. Dans ce pays de valons doux à la terre profonde et grasse, le bonheur naît de découvertes paisibles. On parle ici du pigeon du Barrrois à Richebourg, des écrevisses à pattes rouges il y a peu menacées, dont la chair est si délicate. Et pour terminer le repas, le fromage de Langres à l’odeur forte, au goût subtil, reste le roi du plateau, non de Langres mais de votre table.

Notre visite se poursuit, verre en main à la santé de ceux dont le bonheur est de faire celui des autres.

hypocras et vins de fleurs ©GC/laradiodugout.fr

hypocras et vins de fleurs ©GC/laradiodugout.fr

Florence Pelletier nous accueille sur le côteaux de Coiffy dans le sud du département sur les trois communes de Coiffy-le-Haut, Coiffy-le-Bas et Laneuvelle. Production de vins de pays : blanc, rosé, rouge et méthode traditionnelle. La cave est sombre, fraiche, la dégustation heureuse. Tellement heureuse que je n’ai pas réussi à photographier notre hôte mais son portrait sera vocal et enjoué. Florence Pelletier a plus d’une corde à son arc, plus d’un nectar pour nos papilles. Elle a remis au goût du jour les vins de fleurs qui étaient tombés dans l’oubli mais aussi ces vins chargés de miel et d’épices, les hyprocras qui nous replongent au Moyen-Age. L’expérience vaut le détour, la tradition a vraiment du bon.

L’idée de recréer des Vins de fleurs par Florence Pelletier

Florence Pelletier et son élaboration de l’hypocrass

Cécile Aspert et sa passion pour la cassis ©GC/laradiodugout.fr

Cécile Aspert et sa passion pour la cassis ©GC/laradiodugout.fr

Alors que l’après midi s’achève nous voici aux Cassis d’Alice à Isômes. Les Cassis d’Alice c’est encore et toujours l’histoire d’un retour heureux vers le passé. L’histoire d’une liqueur de cassis créée dans les années 30 par Alice, la dame brune des étiquettes… Un lien de parenté. Cécile Aspert a eu la très bonne idée de reprendre ces recettes presqu’oubliées et de les faire renaître. Il y a derrière tout cela, une ligne complète qui tourne autour du fruit rouge : liqueur et crème de cassis, sirops, nectars ou encore biscuits ou confitures. Les Cassis d’Alice, un bon goût retrouvé, délicieusement artisanal. (Un site internet est en préparation).

L’idée et les débuts par Cécile Aspert

Bassines de cuivre et artisanat du terroir

Pour Cécile: Pas de bio mais du bon !

des petites boules d'or noir ©GC/laradiodugout.fr

des petites boules d'or noir ©GC/laradiodugout.fr

Gérard Conreur pour laradiodugout.fr Mars-Avril 2015