LES ENFANTS AU RESTAURANT

 Le Professeur Patrick Tounian © MAP

Le Professeur Patrick Tounian © MAP

Le Professeur Patrick Tounian est chef du service de nutrition pédiatrique à l’Hôpital Trousseau (Paris). Un médecin un peu hors normes, (je dirais presque « Rock & Roll ») qui ne va surtout pas aller dans le sens de la culpabilité tant pour les parents que pour les enfants. Par exemple, par rapport aux sucreries, il est plus préoccupé par l’hygiène et les problèmes de caries que le fait de consommer des bonbons !. Une petite douceur de temps en temps ne fait de mal à personne. Il ne faut pas gâcher le plaisir. Mais se brosser les dents après, oui, c’est important.

En général, les enfants ont tendance à rejeter les légumes. Est-ce qu’il y a une dimension physiologique dans cette attitude ?
Patrick Tounian : Le rejet des végétaux, c’est très ancestral et passionnant comme histoire.
L’être humain a été sélectionné par différents produits comestibles et non comestibles et avec ces derniers -parce que beaucoup étaient très toxiques-, l’empoisonnement, lui-même souvent associé au goût amer. C’est l’aversion au goût amer qui a protégé les ancêtres dont nous sommes issus.
On en retrouve aujourd’hui les conséquences chez les enfants, mais ce qui a été jadis un avantage est devenu un désavantage. C’est là que l’éducation au goût peut intervenir, qui va leur permettre d’apprécier, de tolérer des aliments qu’ils refusent de manière innée. Les légumes, les haricots verts, le persil, la salade, peu d’enfants vont trouver cela délicieux car en général, les végétaux sont dans le registre de l’acide et de l’amer.

Comment faire pour leur donner le goût de ces produits ?
Patrick Tounian : Il faut déjà prendre en compte la « néophobie », un phénomène qui touche 75 % des enfants de 1 à 2 ans (qui disparaît naturellement vers 4-7 ans), qui concerne tout ce qu’il y a de nouveau sur le plan alimentaire et lui vient d’une protection ancestrale. L’enfant met en place un double rempart : un rempart gustatif inné, et un rempart cérébral dès la vue d’un nouvel aliment. Déjà à cet âge, plutôt que de lui servir les haricots, les épinards ou les artichauts dans leur forme naturelle, il suffit de les présenter agrémentés de sauces, crèmes ou gratins. La deuxième attitude à avoir, c’est de manger des légumes devant lui et de le rassurer en tant qu’aîné. L’exemple parental est absolument essentiel. L’école, c’est de l’apprentissage sur le comportement alimentaire, mais l’éducation, ce sont exclusivement les parents qui en sont responsables.

Mettre du sucré-salé dans une même assiette a t-il une influence sur le plan nutritionnel ?
Patrick Tounian : Aucune espèce d’importance. Métaboliquement, tout cela va au même endroit et se débrouille très bien à l’intérieur. La notion de sucré-salé est une culture et toutes les cultures ont des manières de manger différentes, c’est une question d’habitude. Les préférences gustatives s’acquièrent très tôt dans la vie. Selon ce qu’a mangé la maman durant sa grossesse, le nouveau-né est plus ou moins sensible aux odeurs. Ainsi chez une maman qui consomme beaucoup de cumin pendant sa grossesse, le nouveau-né auquel elle donnera naissance sera attiré par cette odeur alors que la plupart grimacent lorsqu’on leur fait sentir du cumin.

Que pensez vous du fait de se lever de table durant le repas ?
Patrick Tounian ; A la maison, il ne faut pas d’anarchie et un minimum de rigueur. Les enfants ne doivent pas faire n’importe quoi et n’importe comment, et les heures des repas doivent être bien définies, mais sans les forcer à terminer leur assiette !
Le restaurant, ce n’est pas du tout comme à domicile, c’est un moment exceptionnel et les enfants savent très faire bien la distinction. Je n’ai aucun souci par rapport au fait qu’ils se lèvent de table entre les plats. Comme chez les grands parents, où ils ne sont pas dans le même contexte, ils font très bien la différence.

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