La petite madeleine de Marie-Victoire: Cheval melba

©Jungle 2005

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Les humoristes d’aujourd’hui ne me font pas vraiment rire. C’est normal m’a-t-on dit, « si tu soulèves ta chemise et inspectes ton ventre, tu verras des écailles de dinosaure. Ces animaux là sont obsolètes et disparus, alors tes regrets, poulette dinausorette, laisse les aux oubliettes. » Pourtant, pourtant, je me gondole et me bidonne toujours autant quand je ressorts les textes de Desproges, dont j’entends la voix et les intonations en les lisant :
 
[…]  Pour bien photographier votre Cosaque, vous lui laissez ses bottes mais vous virez le cheval. Vous mettez le cheval de côté, et vous le laissez mariner là pendant toute une nuit. S’il se sauve, faites-le revenir avec deux échalotes et une pointe d’ail dans un mélange de beurre et d’huile végétale. Il faut un beau cheval. Comptez mille huit cents kilos pour un goûter de trois mille personnes environ. Laissez-le bien dorer. Puis passez au chinois. […] Prenez un immense fait-tout grand comme ça, voir figure 3 ; aujourd’hui je ne fais pas de figure 2, j’ai la flemme. Prenez un immense fait-tout grand comme ça, et remplissez-le d’eau jusque là, voir figure 5 ; excusez-moi je suis vraiment crevé ; mettez votre cheval dont vous aurez eu soin d’ôter les yeux pour que bébé lui aussi puisse jouer au tennis sans danger : un œil de cheval dans la gueule, ça fait même pas mal. Mettez votre cheval dans le fait-tout.
            Quand l’eau frémit, le cheval aussi. A l’aide d’une écumoire, chassez le naturel. S’il revient au galop, c’est que votre cheval n’est pas assez mort. De mon temps on achevait bien les chevaux, mais les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas bien tuer leur cheval. […]
            Alors, bon.
            Poursuivons cette délicieuse recette du cheval Melba qui me vient d’un dîner de belles têtes chez Paul Beau-cul. Je disais que pour bien tuer un cheval, il y a des méthodes plus rapides que la course à Longchamp. La corrida est nettement plus expéditive […]. On peut également essayer de tuer un cheval en le faisant tourner comme un con autour d’une piste de cirque, mais il y faut plusieurs années et la viande est un peu dure. (Dans ce dernier cas, pensez à plumer le cheval avant de la cuire.)
            Alors, bon.
            Quand l’eau a bouilli pendant vingt minutes, retirez le cheval. Attention s’il est rouge c’est un homard. […]
            Alors, bon.
            Pour la photo du Cosaque, vous ôtez le cheval, vous laissez les bottes, vous zoomez, ouverture à 2/8, tâchez de cadrer un bout du Don, on y est ? Ne bougeons plus… « Clic, Clac, merci Cosaque ! »

 
« Exemple de recette de cuisine : le cheval melba »
Manuel du savoir vivre à l’usage des rustres et des malpolis
Pierre Desproges

Marie-Victoire Bergot. laradiodugout.fr

1 Response

  1. Michèle dit :

    j’aime en effet l’humour de Desproges, et sa façon de jouer avec les mots, et surtout de les détourner…